mardi 28 avril 2015

CHANSON POUR PIERRE ...





CHANSON POUR PIERRE




























Chant 1


Car vois-tu, mère
C’est mon fils que voici
Tu vois
Quand la mer se retire
Et remonte
A nouveau se retire
Sur le sable
Quand le flot se retire
C’est mon fils
Qui court à la laisse
Quand l’océan
Vient bêcher les œillets
Chardons
Chardons et tamarins
C’est mon fils
C’est mon fils que voici
Dans la vague
La vague douce douce
Qui déferle
Déferle et murmure


















Chant 2


Le vieux pin n’est plus
Que père planta
Ô Mère !
Le vieux pin tordu
Étêté
Et ni le grand cyprès
Au tronc creux
Si moussu si penché
Vents orages
Le temps les a tous pris
L’oiseau a fui
La palombe est partie
Ô Mère !
Le puits même est tari
Asséché
Le cyprès est coupé
Le vieux pin
On a coupé le pin
Et la ronce
La ronce a tout caché ...


















Chant 3




Roches roulées
De la jetée brisée
Rompue
Ô Mère te souviens-tu ?
Ce bateau
Dont les os blanchissaient
Enfoncés
Le port tout ensablé
Immobile
Le canal engorgé
Poisson crevé
Les grands bras du carrelet
Cassés
L’air vibrait sur le mur
De croches
Et de quadruples croches
Silencieuses
La musique de l’été
Au soleil
Et l’odeur de marée ...



















Chant 4








Goémons goélands
Le craquement d’un cône
Paillettes au soleil
L’air immobile et chaud
La mer vivante encore
Mais la mer assoupie
Qui se rassemble et prie ...





Chant 5



Sur le rocher
Près duquel nos filets
Dormaient
Sur le rocher aux huîtres
Aux patelles
Aux congres et aux crabes
Le rocher
Au cormoran tout noir
Cou tendu
Ailes demi offertes
Au plein soleil
La balise a rouillé
Penchée
Sa tête en triangle est tombée
Le cormoran parti
Parti dans mon passé
Immobile
Immobile et muet ...












Chant 6




Écarquillés
Les cônes sont tombés
A terre
Du sommet des grands pins
D’autres pins
Qui sont pourtant les mêmes
Ont poussé
Les voici aussi grands
Qu’autrefois
Nous ne trouverons plus
Le mousseron
Aux bords des marais
Salés
D’autres ont bouleversé
Piétiné
D’autres ont acheté
Ont vendu
Ou bien tout ensemencé ...













Chant 7


Si vois-tu Mère
La dune s’est écroulée
Gommée
Si la mer a monté
Descendu
Les arbres ont basculé
Emportés
Si la maison d’été
La maison
Près de l’eau et des bois
N’est plus la nôtre
Si j’ai mis mes filets
Pliés
Tout en haut du grenier
C’est qu’ici
Le temps a tout changé
Coquilles vides
Où furent coquillages ...

Les terriers sont bouchés
Les coquilles vidées
Le laurier a brûlé
Et la mûre a séché
La charrette est cassée
Pourtant près du fossé
La trémière est éclose ...








 "Oeillet de France" ou "Oeillet des Dunes"

     Espèce protégée ( En voie de disparition)







Chant 8



Me voici Mère
Quand roulent la houle
Lourde
La vigne et la vague
Et voilà
Les enfants de juillet
Par volées
Dans les bois et dans les prés
Dans les vignes
Et aussi dans les blés
Tant de voiliers
Tant de voiliers partis
Partis
Ne reviendront jamais
En septembre
Passeront les courlis
Les courlis
Passeront-ils encore ?
Me voici devant toi
Me voici ton enfant
Tant d’amis sont partis
Sur tant de blancs voiliers
Me voici ton enfant
Et voici mon enfant
Le raisin gonflera
Moi je n’ai rien compris ...

dimanche 26 avril 2015

CHANSON POUR CEUX DU CRISTINA RUEDA




CHANSON POUR CEUX DU CRISTINA RUEDA




Le Cristina Rueda est un bateau espagnol qui tomba en panne de moteur entre Ré et Oléron et qui fit naufrage devant Le Bois - en -  Ré le 25 février 1925.














Chant 1




Quand fleurit le chrysanthème de la mer
Violet sur gris et vert
Quand fleurit le chrysanthème de la mer
Le vent souffle tant
Tant écume la vague courant courant
Le vent hurle tant
Un soir de février s’ouvrit le chrysanthème
Carême prenant
Le chrysanthème de la mer
Fleur de mort
Le vent souffle tant
Écume la vague courant courant
Corolle effeuillée par le vent
Entends le vent le vent le vent
Entends le vent carême prenant
Long beuglement porteur de misère
Le vent hurle tant
Fanée la fleur du chrysanthème
Nuages lourds courant dans le ciel noir
Courant vers le couchant
Ô courant !








Fanée sur la mer la fleur du chrysanthème
Longues lames déferlant
Coups sourds sur les sables
Le vent le vent le vent au goût du sel
Long beuglement annonceur de misère
D’où venu ?
Beugle dans le vent taureau blessé à mort
Hurlement du vent
D’où venu ?
Dans la nuit des chrysanthèmes
Longs beuglements annonceurs de misère
O le vent !






Chant 2




La mort n’est rien vois-tu
Entends-tu bien le vent ?
O le cri de la sirène !
Au jour du grand mauvais temps


S’en va passer le goéland
Tout blanc
Indifférent


Aux allées du cimetière
S’en vient marcher le goéland
D’où venu
Sur l’aile du vent ?




Chant 3






Dans le mauvais temps le navire
Haletant frémissant
Navire livré au vent tout vivant
O dans la nuit les déferlantes !
La roue de barre ne gouverne plus
Sous les pinceaux des phares naissent des fleurs
S’éteignent et se rallument
Chrysanthèmes violets ou blancs
Fleurs de la mer fleurs de la mort
Et ces longs beuglements qu’on entend
Du taureau qui va mourir et qui le sait
O le vent le vent le vent !
Le vent pousse à la côte inexorablement
Le navire halète et frémit
Livré vivant au vent au courant
José-Maria Marcelino Léandro Remigio
Bénito José José
Alvaro Grégorio Perfecto
Claudio Antonio Eugénio
Matias le mousse qui n’a que dix sept ans
D’autres encore dont rien n’a recueilli les noms
Dix neuf hommes
De San Sébastian en Corogne
Fleurs de la mer fleurs de la mort
O ce long beuglement du taureau blessé
Qui va mourir et qui le sait !












Chant 4




Ô le cri de la sirène !
Au jour du grand mauvais temps
S’en va passer le goéland
Tout blanc


La mort n’est rien vois-tu
Qu’un grand poisson froid
En cotte d’argent


Il glisse invisible
Indifférent
Infiniment




Le vent le vent le vent dans les volets
Entends sur le toit claquer les tuiles
Entends craquer les arbres dans les bois
Entends sonner la vague
Entends fouetter la pluie
Le Malin frappe chez nous
Celui qui fait les malheureux




Chant 5




Sainte Marie mère des marins
Nous te prions par Saint Jacques
Notre patron
Qu’une barque porta jusqu’à Iria Flavia
En Galice près de Padron
La première baleinière
Emportée par le vent
Dans la seconde nous grimpâmes deux
Que la vague arracha et jeta dans les flots
Sang du Christ !
Comment garder son souffle entre les gorgées d’eau ?
Arracher les bottes et les habits
Nager nager
Roulé tout nu sur le sable
J’ai couru dans la dune
J’ai couru dans les champs
J’ai couru dans les vignes
Sainte Marie mère des marins
L’aurore ne fleurissait pas encore






La mort n’est rien
Qu’un grand poisson froid
En cotte d’argent
Invisible il glisse
Infiniment
Indifférent




Au jour du grand mauvais temps
Entends-tu bien le vent ?
S’en va passer le goéland
Tout blanc




Chant 6




Sainte Marie mère des marins
Nous te prions
Par Saint jacques notre patron
J’ai couru dans les vignes
J’ai couru dans les champs
Jusqu’à cette lumière là devant


Arrivé devant la porte
Nu et les pieds sanglants
Sang du Christ ! Une femme m’ouvre
Sainte Marie mère des marins
Par Saint Jacques notre patron
Qu’une barque porta jusqu’à Iria Flavia
En Galice près de Padron
Veille sur mes dix sept compagnons
Assiste mes amis sur le bateau
Dans le vent et dans les flots








Le chrysanthème refleurit sur la mer
Au jour levé
De la dune on voit l’épave penchée
L’océan gronde et le vent souffle
Ah ! Le vent souffle !
Les embruns et la pluie !
Les nuages courent !
Les marins dans les haubans
Hissent un lamentable pavillon




Chant 7




Premier canot
Safran brisé
Second canot
Pas assez d’eau
Le troisième
On le traîne sur un chariot
Pour le quatrième
Trop de vent beaucoup trop
Fracas de l’océan
Ô le cri des marins là-bas !


Au jour du grand mauvais temps
Entends-tu bien le vent ?
S’en va passer le goéland
Tout blanc
Aux pertuis il accompagne
Un grand poisson d’argent


Ô le cri de la sirène !
La mort n’est rien vois-tu
Qu’un grand poisson froid
En cotte d’argent
Il glisse invisible
Infiniment






Au jour du grand mauvais temps
Entends-tu bien le vent ?
Aux allées du cimetière
S’en vient marcher le goéland
D’où venu

Sur l’aile du vent ?