jeudi 24 septembre 2015

LE PORT DE LA COTINIÈRE







LE PORT DE LA COTINIÈRE




















Le port
Dort

L’océan respire lentement
Profondément

Soleil

Dans l’air
Des essaims de notes de musique
Muettes
Dansent


Aux terrasses des cafés
Rien ne bouge

Bateaux
Blancs
Ou bien verts ou rouges

L’océan respire lentement
Profondément

Le port
Dort





















Sept ou huit mouettes
Alignées
Sur la rampe
De la passerelle d’un ponton

Filets étirés sur le quai
Longs
Un chien ensommeillé
À l’ombre d’un tamarin

Bouées
Bouées rouges
Jaunes
Blanches
Vertes
Entassées

L’océan respire lentement
Profondément
La « Jolie Madame »
Tosse et gémit
Quand les haussières se tendent


Lumière
Le port est inondé de lumière
Portes de la chapelle grand’ ouvertes
Cloches  muettes

mardi 22 septembre 2015

SEPTEMBRE ...




                        SEPTEMBRE





                 La "Maison du Douhet ...





La feuille du figuier
Et cette chaude odeur de vulve venue des marais
Mêlée au sel
Au laurier à l’absinthe et à la résine des pins

Le lézard gris dans une tache de soleil
Sur le mur de pierres sèches

Roucoulement de la tourterelle
Sur trois notes
L’appel du coucou
Sifflement du courlis
Un pêcheur à la vermée fixe son bouchon
Deux cygnes passent à hauteur des tamarins
Cou tendu
Fouettant l’air et le faisant chanter

Grincements
Les roues d’une charrette
Cerclées d’acier
Cri du fermier
Cliquetis d’une crémaillère
L’éclusier manœuvre une vanne
Quelque part
Là-bas





         
                 Les phares de l'île d'Aix





Un pont tout là-bas
Un fort insolite
Deux phares jumeaux  à tête rouge
Une île très petite
Un bateau
Long et noir
Lentement manoeuvre pour entrer en estuaire




                  Plage du Douhet




Une mouette à tête noire
Un poisson saute
Vif-argent
Sable chaud
Sable meuble
Avec le dos creuser une litière chaude
Festons d’algues noires
Tendres ourlets blancs
Océan plat
Tout plat
Sables d’or
Craquement d’un cône au soleil
Les œillets dans la dune
Fleuris

dimanche 20 septembre 2015

OLERONNADES ...





OLERONNADES, de Michel Savatier
Réflexions sur une île en perte d’identité.













Michel Savatier est-il un auteur sérieux ?  On est parfois tenté
De s’interroger à ce sujet. Il est vrai qu’il vit une partie du temps dans le Midi. Ce qui explique peut-être que ses Oleronnades riment souvent avec galéjades. On ne s’en plaint pas, d’ailleurs.

Dans l’oeillet d’oleron et le lys du japon, il évoquait ses ancêtres herborisant sur les dunes. Quand oleron était une île raconte surtout ses souvenirs d’enfance, avec, pour jeu préféré, la pêche, toutes les pêches, y compris celles dans les fameuses écluses à poisson. Il nous décrivait aussi un grand-oncle se rasant avec un coupe-chou. C’était attendrissant.

L’enfance est encore présente dans Oleronnades. En partie seulement. Refusant de se cantonner dans un seul genre, chapitre après chapitre, notre narrateur sautille d’un registre à l’autre, passant du conte à la sottie (mot ancien qui vient de sot), de la fantaisie historique délirante ( un genre qu’il pourrait bien avoir inventé) au récit dramatique qui donne des frissons. Comme il est en même temps visionnaire et naturellement poète, on le suit, charmés, mais tout de même secoués et ballottés comme sur ces voiliers de jadis sur lesquels il nous emmène savourer les tempêtes du Cap Horn (grand voyageur, il adore le Cap Horn). Il met aussi en scène l’abbé Pierre-Marie Kieffer au temps où il était curé de Saint-Pierre. On doit à l’abbé Kieffer la création du musée Aliénor d’Aquitaine qui est devenu le Musée de l’île d’Oléron.

On le trouve ensuite sur les plages de l’île, contemplant l’infini en solitaire et humant le vent du large. Il y ramasse des os de seiche qui ont rétréci, et constate (comme c’est bizarre !) que certaines espèces ont disparu. Romantique, il joue avec les mouettes et les goélands (lui, au moins, fait la différence !) et, avant d’offrir un bouquet de roses à sa bien-aimée, s’émerveille longuement de la cétoine dorée posée sur l’une d’elles.

Ne nous y trompons pas pourtant ! Michel Savatier n’est pas toujours le doux rêveur inoffensif que l’on pourrait croire. Il est juste assez sérieux pour signaler en passant les dangers qui guettent son île, comme la création d’un complexe balnéaire de béton auquel elle a échappé de justesse. Sans cesser de badiner, il souligne une certaine perte d’identité qui serait due, entre autres, à la prolifération de résidences secondaires sans caractère et autres 
« terrains de loisir ». Mine de rien, il informe le monde que le tiers des terres de l’île est en dessous du niveau de la mer, et que l’océan qui ronge la côte pourrait aussi prendre ses aises de ce côté-là. Il y aurait peut-être quelques précautions à prendre pour tenter de l’éviter.

« À bon entendeur, salut ! », nous dit cet amoureux d’Oléron.

                                                            M.P.

        La Plume des Fadets  (Juin 2015)
       (Reproduit avec l’autorisation de l’auteur)

     

mercredi 9 septembre 2015

DEUXIÈME LETTRE DE 1848




DEUXIÈME LETTRE DE 1848







Rochefort, le 7 juillet 1848


Mimie chérie,


Il y a maintenant seize jours que ma dernière lettre est partie de Trizay où je me trouvais alors. Dieu, que le temps paraît long à celui qui attend ! Vous n'avez pas été malade, du moins ? Dites-moi bien vite qu'il n'en est rien et que vous allez bien.
À mon impatience et aux affres que je ressens je mesure celles qui seront les miennes lorsque je serai à bord de l'Alcmène ... Pensez donc : Une campagne de trois ans ! C'est bien pour une campagne de trois ans que je pars. Mais je n'oublie pas que vos angoisses et vos impatiences seront au moins égales aux miennes. Ne craignez rien cependant, l'Alcmène est un bon bateau : Une Corvette construite à Saint-Servan, qui a été mise à l'eau pour la première fois en 1834 et qui a déjà fait ses preuves lors de multiples campagnes.
Elle est armée de trente canons, mais nous ne devrions en avoir aucun besoin, l' Anglais n'étant point en guerre contre nous, même s'il nous bat froid. En tout cas, vous n'aurez point à craindre pour moi les balles perdues des révoltes ou révolutions : Je serai bientôt très loin de ces agitations qui se déroulent en ce moment à Paris et qui échauffent les ouvriers. Il vous faudra, lorsque vous m'écrirez, me raconter tout cela et me dire comment Monsieur de Lamartine entend remettre en ordre la nation.
Mais je vous ennuie sans doute en vous parlant politique, douce Angèle qui êtes faite pour tout autre chose ! Que mes pensées les plus douces vous accompagnent : Elles ne vous quitteront pas et je sais que le soir, à l'heure où se lève le croissant de la lune, vous songerez à moi, ballotté par les flots. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas : La lune éclairait les flots, lors de notre première promenade sur la plage de Foulerot ...

Je vous promets de penser à vous chaque jour et, chaque soir où cela me sera possible, Mimie chérie, je tiendrai mon journal à jour, afin de vous conter, tout simplement, ce que seront mes heures loin de vous. Elles seront tristes, assurément, mais elles seront surtout fiévreuses car chaque journée qui va passer me rapprochera de vous.


Nous larguerons les amarres avant le quinze juillet si tout va bien. L'armement du navire a déjà commencé : Nous faisons embarquer les vivres frais, les salaisons, les tonneaux de vin et ceux de poudre à canon ... Nous descendrons ensuite le cours de la Charente ... Le plein des réserves d'eau douce sera fait au fort Lupin où se tient la pompe. Le navire, alourdi, gagnera l'estuaire de la Charente, puis la rade de l'île d'Aix. Le quinze, nous devrions lever l'ancre après avoir embarqué les passagers : Entre autres, nous devrions embarquer un Monsieur D'Éhrensward, officier suédois, lequel doit faire campagne avec nous.
Ce Monsieur a été autorisé par le Ministre à faire également embarquer son épouse à notre bord ... Ne craignez rien, mon amie ... Elle est sûrement moins jolie que vous, encore que je ne l'aie pas aperçue ... Et puis j'aurai bien d'autres choses à faire plutôt que de m'occuper d'elle, ne croyez-vous pas !
Partant le quinze, nous devrions d'abord nous rendre à Rio de Janeiro, puis à Valparaiso et enfin aux îles Marquises et à Tahiti. Nous faudra-t-il six mois ... Plus ? Je ne manquerai pas, en tout cas, de vous écrire et de vous faire parvenir mes courriers par chaque navire que nous rencontrerons, fût-il anglais !
Encore une fois, mon âme, je vous prie de saluer de ma part madame votre mère et de me rappeler au bon souvenir de Monsieur votre père. Des inclinations bien tendres me poussent vers eux parce qu'ils sont vos parents, tout simplement.


De bien doux baisers vont jusqu'à vous, mon Angèle chérie.
Tout à vous ...






lundi 7 septembre 2015

DEUX LETTRES DE 1848







                    *
DOCUMENTS AUTHENTIQUES : DEUX LETTRES


L' Abbaye de Trizay, le 21 juin 1848




Mimie Chérie,


Ainsi donc, chère âme, je pars à nouveau. Du moins avons-nous eu le bonheur de nous voir quelques jours ... Ces quelques jours, que n'ont-ils duré des mois !
Embrassons nous. Cet embarquement était écrit dans ma destinée : Il faut bien qu'un marin navigue!
Savez-vous qu'il m'arrive de bénir les fièvres qui m'ont saisi à la Martinique en décembre dernier, puisque ce sont elles qui m'ont ramené vers vous pour cette convalescence bien douce. Elles m'ont obligé à quitter ma Corvette, qui était un très excellent bateau, mais voici que je vais retrouver une autre Corvette, un peu plus grande puisqu'elle a, à dire vrai, la taille d'une Frégate. Je crois que je ne perdrai pas au change. Et puis, cette campagne achevée, ne serons-nous pas unis pour toujours ?


-" Ne pas vous écrire pendant deux mois et n'avoir rien à faire ?" _ Vous l'avez dit _ Oui mais mieux vaut promettre peu et tenir beaucoup. Allons, Chérie, n'est-ce pas que vous n'avez pas pu croire cela ?


Comme vous l'avez vu, je suis à Trizay. Le 19 juin je suis arrivé à Saujon à huit heures du matin ; la voiture de Rochefort ne part qu'à deux heures. J'avais donc six heures pour courir la ville et les champs. Je suis allé du côté de Ribérou ; j'ai roulé une grosse pierre sous un tamarin pour m'en faire un siège et ... Je me suis mis à rêver. A deux heures, j'ai pris la voiture qui m'a transporté à Saint-Agnant où je me suis trouvé en pleine assemblée. La bête joie de ces paysans a redoublé ma tristesse. J'ai gobé le reste de la route à pied ( cinq kilomètres environ ) et je suis arrivé vers six heures et demie à Trizay. J'y fus reçu aussi indifféremment que d'habitude, excepté par mon frère Lucy qui me fit mille amitiés.

Aujourd'hui, je me purge : La bile m'étouffe. Que ferai-je demain ? - Je n'en sais rien. Il était convenu que je devais aller mercredi vous chercher pour vous conduire chez Émile, à Saint-Georges d'Oléron. La satisfaction de vous faire ce plaisir m'est même enlevée car mon père vient d'emmener tous les chevaux à la Chaussée de Marsay, à six kilomètres de Surgères.


Ma permission me paraît bien longue maintenant. Qu'aller faire dans l'île d'Oléron sans vous, ma belle âme chérie ? Tant qu'à mon voyage en Poitou, je m'ennuie d'y aller, pour la même raison et pour une infinité d'autres.


Enfin, de quoi me plaindre? N'aurai-je pas eu ces quelques jours de bonheur, en juin mille huit cent quarante huit ! _ C'est beaucoup pour moi qui n'y suis pas habitué.
Oui, tu resteras gravé longtemps dans mon souvenir, jour heureux : Dix sept juin mille huit cent quarante huit !


Bain à la Grande Conche, promenade à deux dans Royan, aller et retour en char-à-bancs à deux places, etc., etc. _ À nous voir bras dessus, bras dessous, parcourant triomphalement les Quinconces, il me semblait que nous étions déjà unis par d'autres liens que ceux de l'amour. Mais cette union sera prochaine ... Pour le moment, sachons attendre car malheureusement nos positions ne nous permettent point de pouvoir escompter le bonheur. La réalité actuelle est bien dure pour nous ; la chance n'est pas souvent des nôtres. Mais, chose que je puis vous assurer, ma bonne petite Angèle, c'est que je vous aimerai toute ma vie de tout coeur, quoi qu'il arrive.


Je vous ai laissée bien souffrante, mon amie, soignez vous ; je tiens à lire dans votre prochaine lettre que vous continuez à profiter et que, lorsque je retournerai vous voir, vous serez de plus en plus grassouillette et bien portante.

Le premier, je serai chez moi et peut-être avant. Espoir, adieu et mille baisers, mon Angèle chérie !!!! Tout à vous.

Bien des choses à Madame votre mère. Ne pensez plus à cette pénible obligation que j'ai dû signer avant mon départ : _ " Au nom du Peuple Français "écrivait le Notaire en précisant que je m'engageais à rembourser la somme empruntée à Madame Pelletier ... "Dans le cours de trois ans à ce jour et à lui en servir l'intérêt au taux de cinq pour cent l'an, payable par année échue, aussi à compter d'aujourd'hui" ... Mais qu'est-ce qu'un emprunt de mille francs ? ... Le service en campagne à la mer m'aura bientôt permis de rembourser cela ... Vous le voyez bien, qu'il me fallait partir !